Les jours précédents
Nous sommes arrivés à Lake Placid 2
jours avant. 2 jours de stress. Non pas à cause de la peur de ne pas
réussir mais une grosse appréhension liée à des superstitions
personnelles. J'explique.
Tout d'abord, une semaine auparavant,
j'avais fait un rêve dans lequel je mourrais. Il faut savoir que je
ne me rappelle jamais de mes rêves. Mais dans celui-là, bien que je
ne me souvienne pas des conditions de ma mort, la symbolique était
évidente. Je mourrais.
Autre point, vu que cela fait un an que
cet événement est central dans ma vie, je me suis retrouvé durant
ces 2 jours avec un nombre très important de messages
d'encouragements et de mise en garde : « tu seras prudent »,
« Si tu ne peux pas, tu t'arrêtes »; « fais
attention à toi » et j'en passe... Du coup, tout ces messages
sonnaient comme une prémonition allant dans le sens du rêve: « il
va se passer qqchose, écoute les signes...).
Donc je suis arrivé à Lake Placid
stressé. Et en cherchant à comprendre, j'étais arrivé à
l'explication que le plus gros risque que je pouvais prendre c'était
de glisser/chuter/avoir un pneu qui explose en vélo dans la grande
descente du parcours... Pour rappel, lors des entraînements, mon
record de vitesse a été de 81,6 km/h... sur des petites roues de
vélo! Et devinez quelles étaient les prévisions météorologiques
pour le dimanche ? De la pluie...
Autre événement défavorable: nous
dormions dans un camping et samedi matin je me suis réveillé avec
le bas du dos coincé, très douloureux...
Préambule : le déroulement de la
course
Le départ à lieu sur le bord du lac.
2 tours dans le lac mais nous devons
sortir de l'eau en passant par des portiques.
A la fin du portail, nous devons passer
par la zone de transitions :
on récupère nos affaires de vélo
rangées la veille dans un sac
on se change dans une tente à cet
effet
lorsqu'on repose le même sac
(rempli de nos affaires de natation) le bénévole cri notre numéro
de dossard
un autre bénévole nous prépare
alors notre vélo et on sort de la zone de transition
Nous partons alors pour 2 boucle des 90
km en vélo
Enfin, on repasse par la même zone de
transition, prendre un autre sac et se changer avant de repartir pour
2 tours de 21 km de course à pied.
Le matin de la course
Je donne le ton: ce n'était pas les
conditions idéales !
Tout d'abord, au moment de s'habiller,
je me rend compte que je n'ai pas assez de sparadrap pour protéger
mes tétons des frottements (si si je suis sensible du téton et ca
peut faire très mal!).
Ensuite, nous sommes partis trop juste
du camping et nous sommes arrivés une minute avant la fermeture de
la zone de transition.
Sur le chemin, nous nous sommes aperçu
que j'avais oublié ma pompe à vélo.
La dessus, coup de bol, je rencontre
Pierre devant la zone de transition avec sa pompe; ouf !
Donc je cours gonfler mes pneus (je me
changerai sur la plage).
En sortant de la zone de transition, je
me rappelle que j'ai encore mes lunettes sur le nez; donc je cours
les ranger sur mon vélo (si si j'ai une poche).
En sortant de la zone de transition, je
finis par me rendre compte que tous les autres participants ont leur
numéros marqué sur le bras : zut j'ai oublié de me faire marquer !
Donc je cours à la zone de marquage.
Arrivé sur la plage, je retrouve
Pierre, Danielle, Suzy et Julie. Il ne reste pas beaucoup de temps,
je me change...
Là je découvre que je ne suis pas
allé poser mes sacs de mi-course pour le vélo et de mi-course à
pied.
Donc j'y vais en courant. J'y cours...
Ne les voyant pas, je me fais dire que le lieu de dépôt est assez
loin.
Je fais donc demi-tour en espérant que
Julie aura le droit de poser mes sacs.
Je me change quelques, qq photos
(souriez dans ces conditions).
La natation
j'arrive au bord de l'eau... Nous
sommes 2600 dans l'eau... c'est énorme... ca va être la guerre dans
l'eau; on va tous devoir jouer des coudes pour se faire une place...
Psychiquement je ne suis pas prêt.
Pas eu le temps de me concentrer, de me
calmer...
Je n'entends pas le compte à rebours,
juste le coup de révolver : j'ai à peine les pieds dans l'eau à 10
mètres de la ligne de départ...
Go. Je reste à l'extérieur. Coucou à
un plongeur sous-marin (je ne sais pas ce qu'il faisait là !!). Pas
beaucoup de feeling, juste essayer de comprendre ce qui se passe,
éviter le pack de nageur, ne pas prendre de coups. Premier virage,
j'évite l'entonnoir. Deuxième virage idem, mais je trouve le fil
d'Ariane sous l'eau. Nous en avions discuté avec Benoît: 2600
nageurs vont brasser tellement l'eau que le fil sera invisible; et
même si il était visible, il y aurait tellement de gens qui
essaient de le suivre que ce serait trop dangereux d'essayer!!
En fait, il n'y a personne au dessus du
fil (enfin dans mon groupe de vitesse, car pour Benoît cela a été
beaucoup plus dur). Donc pour moi, le bonheur : le fil est là, je
peux me concentrer sur ma technique de nage sans me préoccuper de ma
direction.
Premier tour, je sors en 51 minutes !
Bof, c'est un peu lent (j'avais prévu 40 minutes) mais je me sens
bien, pas fatigué.
Deuxième tour, sur le fil. C'est cool
! Je me sens bien, l'impression de voler, je dépasse plein de monde.
Je suis tellement sur un nuage que je
me fait coincer au 2ème virage: 3 gars me passent dessus (je ne sais
pas comment ils ont fait ;-) )
Je sors en 1h21 ! Exactement, mes
prévisions ! La vue du compteur plus toute la foule amassée pour
nous encourager; c'est magique, j'ai envie pleurer (mais je ne peux
pas, j'ai pas appris « les hommes ca pleure pas !! »).
Le vélo
Transition 1: c'est fou. Une ambiance
de délire dans la tente avec tous les bénévoles qui crient les
numéros des participants. Il ne pleut pas, je laisse l'imperméable
dans le sac... Si la pluie se déclenche, je prendrai la cape
d'urgence que j'ai sous la selle du vélo.
Je sors de la tente, je prends mon
vélo, la pluie se déclenche, le sors la cape d'urgence.
Je monte en vélo avec en tête mon
scénario catastrophe qui prend forme....
J'essaie de ne pas y penser...
Pour votre compréhension, la boucle de
vélo présente, pour moi, trois parties : une première partie avec
quelques petites montées et descentes non significatives mais qui
mènent à LA très grosse descente; ensuite vient une partie plutôt
plane, sans intérêt; enfin les 20 derniers kilomètres avec
beaucoup de côtes; problématiques pour moi... Cette partie est en
générale très longue pour moi.
Je reprends le récit.
J'arrive à la grande descente sans
m'en rendre compte. En fait, je suis déjà dedans, la tête dans le
guidon, à hurler aux cyclistes devant mois « Keep your right !
Keep your right ! ». C'est grisant, euphorisant d'aller plus vite
que les autres; je me fais plaisir. Petit incident au début de la
2ème partie: j'ai perdu ma bouteille de gel énergétique. Tant pis,
plan B, je me nourrirai avec les gels et les barres fournis lors des
ravitaillements. Et puis, je viens de parcourir LA grande descente et
je suis encore en vie….
Le reste de la première boucle se fait
assez facilement; la semaine de tapping a dû porter ses fruits car
je me sens bien, pas fatigué, même après les 20 derniers km.
Le retour dans Lake Placid est
délirant, plein de monde qui hurle pour nous encourager, c'est fou
!!
Je commence le 2ème tour, le chrono
affiche 3h15 !! 45 minutes de moins que mes prévisions !! Je n'en
reviens pas !!! je peux espérer faire un 6h30, peut-être 7h00 sur
le vélo; soit UNE heure de moins que mes prévisions !! Je n'en
reviens pas !! Ceci plus la foule et les encouragements me font
monter une grosse boule dans la gorge … l'émotion est trop forte,
je manque de m'étouffer...
La deuxième boucle me semble un peu
plus difficile, je sens que je dois gérer un peu plus mon effort.
Dans la descente toujours autant de
plaisir, toujours à hurler aux autres de garder leur droite.
Vitesse de pointe 77 km/h; moins qu'à
l'entraînement mais tellement agréable...
J'arrive à la 3ème partie sans m'en
rendre compte mais en me disant: « bon le vrai travail commence
ici !! ».
Je fais ces 20 derniers kilomètres
quasiment entièrement avec Chip ! Chip, c'est un grand cycliste avec
un maillot orange. Nous n'avons pas cessé de nous dépasser
mutuellement tout au long de cette distance : lui prenant l'avantage
lors des montées et moi lors des plats et des descentes...
Je fini le vélo en 6h35 au milieu de
la foule qui hurle, c'est hallucinant !! La 2ème épreuve de la
compétition est terminée !!
La course à pied
L'organisation toujours aussi bonne: un
volontaire réceptionne mon vélo et va le ranger, je prends mon sac
et vais me changer dans la tente; j'urine et je repars.
Mes jambes vont étonnement bien. Je
suis surpris et content en même temps. Une petite pensée pour
Benoît qui disait que la première descente cassait les jambes...
moi ça va.
Sur le parcours du marathon, les
ravitaillements sont placés tous les miles (1,6 km) avec boissons,
fruits, bars énergétiques et toilettes.
Ma stratégie: un verre de Gatorade
pour l'énergie, un verre de coca pour éviter les crampes, un verre
d'eau pour couper la soif et un morceau de banane à chaque
ravitaillement.
Au premier ravitaillement, je fais
passer une petite crampe avec le verre de coca; elle ne réapparaîtra
plus.
Au deuxième ravitaillement, je suis ma
stratégie et je fais aussi un arrêt aux toilettes pour mes uriner
et déféquer. Là pour moi l'enfer va commencer !!
à chaque ravitaillement j'ai dû
m'arrêter aux toilettes
5ème kilomètre, j'ai commencé à
avoir froid
8ème kilomètre, j'ai commencé à
avoir TRÈS froid
13ème kilomètre, j'ai réussi à
récupérer une couverture de survie auprès du service d'assitance
18ème kilomètre, je ne peux plus
rien manger
21ème kilomètre, je récupère
mon sac de mi course. Soulagement, je peux récupérer un T-Shirt à
manches longues SEC. Je jette la nourriture que j'avais prévu, je
jette la couverture d'urgence et j'emporte mon poncho d'urgence en
cas de besoin
Je croise Julie; je l'embrasse en
lui disant que la fin va être longue...
24ème kilomètre, je ne peux plus
courir: je n'ai pas mal aux jambes, le moral va bien, mais j'ai trop
mal au ventre. Je continue en marche rapide
J'ai arrêté le coca, je ne bois
que de l'eau
je suis mort de soif mais je
continue d'uriner à chaque ravitaillement
26ème kilomètre je recommence à
avoir froid, je met mon poncho d'urgence
30ème kilomètre un monsieur de
64 ans me dépasse : wouah !! Respect !!!
34ème kilomètre, j'ai encore
froid, je récupère quasi au même endroit qu'au premier tour une
autre couverture d'urgence
36ème kilomètre, un monsieur de
70 ans me dépasse !! C'est incroyable ce sport...
37ème kilomètre, je croise
Benoît qui repart avec sa petite famille et toutes ses affaires
Je suis à plus de 13 heures de
course, je vois de l'autre côté de la route, ceux qui commencent
leur 2ème tour. Il y en a qui ont tellement l'air de souffrir....
Je les encourage; moi je vais bien après tout et j'ai presque
terminé.
À l'entrée de l'ovale d'athlétisme
qui marque les derniers mètres de course je me remets à courir, il
fait nuit, je n'en revient pas, j'ai réussi !! La foule, les
haut-parleurs, c'est incroyable !!!
Je passe la ligne fou de joie, une
petite dame me réceptionne.... Je dois avoir l'air mal car elle ne
veut pas me lâcher... Mais je vais bien.
Après la course
Julie, Suzy. Danièle et Pierre sont là
!
Je lis le soulagement dans les yeux de
Julie, elle est fatiguée par toute cette attente; Suzie pleure
d'émotion et je vois que c'est un grand moment pour Pierre.
J'embrasse tout le monde et je pars à la tente médicale.
Je suis gelé, j'ai froid, j'ai soif,
j'ai faim mais je ne peux rien avaler. La grande question : vont-ils
me mettre sous perfusion ?
Au final non ! En fait, étonnement, je
n'ai perdu que 4 livres... Le médecin, Catherine, ne comprend pas
trop. Apès une demi-heure, quelques bretzels trempés dans du thé
chaud et 2 couvertures, tout rentre à peu près dans l'ordre.
Fin de la journée, on va au resto, je
suis un IronMan!